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Prospection électorale et données personnelles 

La protection des données personnelles constitue aujourd’hui un impératif majeur pour l’action publique, y compris en matière de communication politique. Le RGPD, ainsi que les fiches pratiques de la CNIL  « élections et communication politique », encadrent l’utilisation des fichiers, des outils numériques et des techniques de diffusion par les acteurs politiques, afin de garantir les droits des citoyens et l’intégrité du débat démocratique.

Le présent article, structuré sous forme de questions réponses, expose de manière synthétique :

  1. les fichiers dont l’usage est interdit ;

  2. ceux pouvant être exploités sous conditions ;

  3. le cadre juridique applicable aux techniques de publicité politique.

Cet article vise à accompagner les collectivités dans la mise en conformité et la sécurisation de leurs pratiques de communication.

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1. Quels fichiers ne peuvent pas être utilisés pour de la prospection électorale  ?

Par principe, les fichiers relevant du secteur public, c’est-à-dire les données personnelles collectées ou enregistrées par une administration ou une collectivité dans le cadre de ses missions de service public, ne peuvent pas servir à des fins de communication politique.
Voici quelques exemples de fichiers interdits dans ce cadre :

  • Le registre d’état civil.

  • Le fichier scolaire.

  • Les fichiers de prestations sociales de la commune.

  • Les fichiers d’urbanisme de la collectivité.

  • Les fichiers constitués pour un référendum local.

  • Les fichiers issus d’une pétition : les signataires d’une pétition ne sont pas automatiquement considérés comme des «contacts réguliers » ou des sympathisants d’un élu, candidat ou parti. Sauf si la pétition a pour objet de soutenir directement un élu ou un parti.

L’utilisation illicite de ces fichiers peut entraîner des sanctions pénales, jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende, pour détournement de finalité (art. 226-21 du Code pénal).

 

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2. Quels fichiers peuvent, en revanche, être utilisés pour la communication politique ?

Certains fichiers peuvent être utilisés à des fins de prospection électorale, à condition que les personnes concernées soient considérées comme des « contacts réguliers » ou, à défaut, comme des « contacts occasionnels » qu’on peut inviter à devenir contacts réguliers.

La CNIL considère qu’une personne est le « contact régulier » d’un parti ou d’un candidat lorsqu’elle accomplit une démarche positive en vue d’établir des rapports réguliers et directement liés à son action politique : abonnement à une lettre d’information, soutien financier régulier, participation aux activités du parti, etc. Contact occasionnel : une démarche ponctuelle sur un projet.

Le tableau ci-dessous liste quelques fichiers qui peuvent être utilisés à des fins de communication politique.

 

Types de fichier

Nature du contact

Observations/conditions

Les fichiers d’adhérents au parti

 

Contact régulier

Il n’est pas nécessaire de demander le consentement des adhérents si le message adressé reste en lien avec la finalité du parti dans sa vocation politique.

Les fichiers constitués dans le cadre des primaires

 

Contact occasionnel, mais le parti peut inviter ses contacts à devenir les contacts réguliers avec consentement explicite.

Les fichiers doivent être détruits après proclamation des résultats, sauf contentieux (fichier électeurs, chartes, listes d’émargement).

Les fichiers de contact : les personnes avec lesquelles l’élu ou le parti entretiennent des échanges réguliers dans le cadre de leur activité politique (abonnées à une lettre d’information, une liste de diffusion ou au site du parti politique, soutien financier régulier du candidat ou parti).

 

Contact régulier

 

Les échanges antérieurs réguliers suffisent à justifier le traitement, il n’est pas nécessaire de demander le consentement. 

Abonnés des réseaux sociaux du candidat

Contact occasionnel

 

Les personnes qui « aiment », commentent, partagent ou « retweetent » des contenus publiés sur les réseaux sociaux peuvent être considérées comme des « contacts occasionnels ». Leurs données peuvent ainsi être utilisées à des fins de communication politique, une seule fois, afin d’inviter ces personnes à accepter d’entretenir des échanges plus réguliers avec l’élu ou le candidat.

La liste électorale 

Tout électeur, candidat et tout parti ou groupement politique peuvent prendre communication et obtenir une copie de la liste électorale, à la condition de s’engager à ne pas en faire un usage commercial. (Art. L.37 code électoral.)

 

 

La liste électorale peut être utilisée :

  • à des fins de communication politique,
  • à des fins de communication municipale (vie de la commune).

Les électeurs ne peuvent pas s’opposer à la remise de la liste électorale, mais peuvent exercer leur droit d’opposition à figurer dans un fichier de communication.

 

Les fichiers privés (clients, prospects) acquis ou loués pour prospection commerciale. Contact occasionnel (sous réserve de licéité et droit à l’information) Utilisation possible à condition de respecter les obligations légales (transparence, droit des personnes, etc.).
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3. Quelles techniques de publicité politique sont autorisées, et sous quelles conditions  ?

Depuis l’entrée en vigueur du Règlement sur la transparence de la publicité politique (RPP) le 10 octobre 2025, il existe des règles précises pour les communications politiques, notamment en ligne reposant sur des données personnelles.

Principales techniques visées

  • Publicité en ligne : sites web, réseaux sociaux, messageries, e-mails.

  • Deux formes importantes :

    • Ciblage (par âge, zone géographique, catégorie socio-professionnelle, etc.)

    • Diffusion algorithmique (boost automatique de visibilité selon des critères automatisés)

Conditions et limites d’utilisation

  • Il est interdit d’utiliser des données provenant de fichiers électoraux, de bases achetées ou issues de moissonnage.

  • Consentement explicite, libre et éclairé obligatoire pour les personnes concernées. Elles doivent pouvoir refuser sans conséquence.

  • Obligation de tenir un registre spécifique : mentionner les méthodes de ciblage, les types de données, les outils d’intelligence artificielle utilisés, etc.

  • Information renforcée aux citoyens : les traitements doivent être clairement expliqués, les droits des personnes rappelés.

  • Interdiction d’utiliser des données sensibles (origine, religion, opinions politiques, santé…) ou de viser des mineurs de moins de 17 ans.

Publicité hors ligne (courriers, e-mailings, appels, etc.)

  • Elle reste possible, mais doit respecter le Règlement général sur la protection des données (RGPD).

  • Les bases légales possibles : consentement ou, sous conditions très strictes, «intérêt légitime».

  • A noter : à compter d’août 2026, le démarchage téléphonique à des fins commerciales ne pourra plus reposer sur «l’intérêt légitime »(loi nᵒ 2025-594 du 30 juin 2025). Par analogie, pour la publicité politique, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) recommande fortement de se baser sur le consentement.

 

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4. Comment définir ce qu’est une « publicité à caractère politique » ?

Il s’agit de tout message diffusé dans le but d’influencer un scrutin (élection, référendum) ou le comportement de vote, ou encore un processus législatif.

Ce qui n’est pas considéré comme publicité à caractère politique :

  • Les campagnes physiques (affichages, tracts papier).

  • Les opinions ou contenus publiés par des médias journalistiques (sous leur contrôle éditorial), sauf s’il y a paiement spécifique pour publier le contenu.

  • Les opinions personnelles exprimées librement sur les réseaux sociaux (hors format publicité payante ciblée).

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5. Que retenir en tant qu’élu, maire, candidat ou acteur politique local ?

  • Ne jamais recourir à des fichiers publics (état civil, registres scolaires, prestations sociales, urbanisme, etc.) à des fins politiques.

  • En cas d’utilisation de fichiers privés ou d’adhérents/électeurs/contacts : vérifier que la personne est bien un contact régulier ou, si contact occasionnel, recueillir un consentement clair avant d’engager une relation durable.

  • Pour toute publicité en ligne politique : obtenir le consentement explicite, documenter les traitements (registre), informer clairement les citoyens, et ne pas utiliser de données sensibles ni viser les mineurs.

  • Pour le démarchage hors ligne (courriers, e-mails, appels), favoriser le consentement plutôt que l’intérêt légitime, notamment avec le renforcement des règles prévues pour 2026.